Les Origines, “Pourquoi devient-on qui l'on est ?” par Gérald Bronner
Par Farzad FARID
- 3 minutes de lecture - 603 motsAprès de nombreuses lectures plus techniques (livres d’informatique) ou plus légères (bandes dessinées), voici un livre de sociologie, qui est à la fois un témoignage personnel, que j’ai trouvé excellent et vraiment essentiel dans la période actuelle. Il est de plus très rapide à lire, 186 pages que j’ai dévorées pour moité dans les transports un soir et à la maison le lendemain matin !
J’ai d’autant plus apprécié ce livre que j’ai vu Gérald Bronner quelques mois auparavant dans un cycle de conférences au MK2 Odéon intitulé « Pourquoi les croyances ne disparaîtront-elles pas ? », et l’auteur m’a dédicacé le présent livre 🤩
En partant de ses propres origines, qu’il nous décrit subjectivement, avec la charge de l’émotion, mais sans aucun storytelling ou mensonge comme certains auteurs qu’il dénonce justement, Bronner se pose la question de ce qui fait de nous ce que nous sommes : est-ce nos origines, est-ce la méritocratie, ou bien est-ce plus complexe que cela ?
Bien évidement la réponse est complexe, et non pas binaire comme certaines personnes voudraient nous le faire croire !
Les personnes qui sont sorties de leur milieu d’origine, généralement modeste, pour évoluer dans un milieu plus bourgeois, plus intellectuel sont les « transclasses », et Gérald Bronner en fait partie. Or il y a en effet une mode parmi les transclasses (qu’on appelle d’ailleurs parfois « transfuge de classe », mot très chargé d’un sens négatif et d’une notion de trahison…) de présenter leurs origines sous une forme misérabiliste, voire d’avoir honte d’avoir changé de classe sociale.
C’est cette lecture simpliste et négative que Bronner dénonce et démonte dans son livre, avec des arguments basés sur sa propre histoire, subjective donc, mais aussi sur des recherches sérieuses, notamment en sociologie.
Et c’est un plaisir de voir Bronner démonter et moquer certains de ces auteurs misérabilistes insupportables, comme Édouard Louis et Annie Ernaux. Le passage décrivant tous les mensonges qu’Édouard Louis a racontés sur sa famille est un délice ! Le voici :
Sans me prononcer sur la qualité littéraire du texte, le parcours mythogénétique de l’écrivain est tout à fait exemplaire. Il publie, en 2014, à l’âge de 21 ans, alors qu’il est étudiant en sociologie et imprégné de la vision bourdieu- sienne du monde, un livre très remarqué, En finir avec Eddy Bellegueule, où il décrit une enfance cauchemardesque dans un milieu homophobe gangréné par l’alcoolisme et la misère. Un prototype de récit doloriste qui, par contraste, auréole le narrateur d’héroïsme social. Son roman autobiographique a créé un énorme malaise à Hallencourt, le petit village de la Somme dans lequel l’écrivain a grandi. Un journaliste du Courrier picard écrit : « Installée aujourd’hui dans un pavillon propret à l’entrée d’Hallencourt, la vraie famille d’Édouard Louis n’a, à première vue, pas grand-chose à voir avec celle à la Germinal, misérable, inculte et vulgaire, décrite dans le roman. »
Annie Ernaux, d’autres auteurs, ainsi que le trop célèbre sociologue manipulateur Pierre Bourdieu sont décortiqués et leur propos fallacieux démontés de la même façon.
Le livre fait également un détour par l’analyse de la pensée conspirationniste, car c’est un thème qui n’est en effet pas très éloigné de celui de la mythologie des transclasses : diviser le monde en “gentils pauvres” et “méchants riches / dominants”, et affirmer que cette seconde catégorie maintient volontairement la première dans la servitude, comme le font certains transclasses ou les soutiens misérabilistes des transclasses, est une théorie conspirationniste infondée.
Pour toutes ces raisons, parce que la mode est au misérabilisme, au populisme, à la manipulation des opinions, je pense que la lecture de ce livre est essentielle.