« Homo Economicus » par Daniel Cohen
Par Farzad FARID
- 4 minutes de lecture - 662 motsLe titre complet est « Homo Economicus, prophète (égaré) des temps nouveaux », où l’on devine que le contenu ne sera pas une apologie de l’économie et de l’humain rationnel…
J’ai déjà lu et commenté un autre excellent livre de vulgarisation économique de Daniel Cohen, « La prospérité du vice ». Celui-ci est plus récent, il se pose la question des rapport entre l’« homo economicus » théorique, rationnel et la recherche du bonheur, la liberté, l’efficacité.
C’est une réflexion plus inquiète, qui pointe les travers de notre monde et de l’économie, en sortant du seul domaine économique pour aller puiser des faits, des preuves, du côté de la biologie, de la sociologie, des biais cognitifs…
Il y a aussi quelques références à la psychanalyse et à Freud et je trouve ça dommage bien évidemment, car faire référence à un tel tissu de conneries nuit un peu à la crédibilité de l’auteur. Heureusement Daniel Cohen en parle peu ! D’ailleurs, en aparté sur la psychanalyse, je conseille vivement la lecture de l’ouvrage collectif « Le livre noir de la psychanalyse » ou le visionnage des documentaires de Sophie Robert, dont « Le mur ».
Le livre comment par le bonheur, le fameux indicateur de Bonheur Intérieur Brut du Bhoutan, où l’on voit que la réalité est plus complexe, qu’il se suffit pas de décréter le bonheur pour l’avoir… L’introduction de la télévision au Bhoutan et de tout son flot d’images violentes, de luxure, d’idéaux inaccessibles, a mis à mal le « bonheur » du Bhoutan…
Car rien n’est simple, contrairement à ce que voudrait nous faire croire certains économistes, l’humain n’est pas rationnel, ce n’est pas un agent économique dénué d’émotions, fiable, robotisé.
Une partie que j’ai trouvé passionnante dans le livre est le parallèle que l’auteur fait entre l’Empire Romain et les USA : leur croissances, leurs forces, leurs faiblesses, leur déclin (du moins pour le premier !). Bien évidemment on ne peut pas plaquer les raison du déclin de l’Empire Romain sur les USA et décréter la chute future de ceux-ci, l’auteur montre bien que l’histoire ne peut pas ainsi être transposée, mais c’est néanmoins très éclairant sur le fait qu’aucun empire n’est immortel et que les causes de disparitions peuvent être très difficiles à déceler et éviter.
On retrouve plus loin ces difficultés à concilier bonheur et plaisir : économiquement parlant, beaucoup de gens trouvent du plaisir à gagner plus d’argent et pense que ce gain supplémentaire fera leur bonheur. Mais Daniel Cohen montre que même les gens riches ne sont pas heureux pour autant et aimeraient gagner encore plus pour être heureux ! Vous pouvez vous-même vous poser la question : serez-vous plus heureux durablement après une augmentation ? Généralement l’impression de bonheur s’estompe vite…
Quand je dis que l’auteur démontre ce qu’il dit, c’est que tout ce qu’il écrit est documenté, il fait référence à d’autres études, les notes de bas de page sont nombreuses. Les affirmations ne sortent pas d’un chapeau et c’est une chose que j’apprécie particulièrement dans ce livre.
Il y a aussi une réflexion intéressante sur la pauvreté. L’auteur parle notamment de l’économiste franco-américaine Esther Duflo qui a récemment emporté un Prix Nobel d’Économie (je fais un raccourci, suivez le lien pour la dénomination exacte) pour son travail sur la lutte contre la pauvreté.
Autre chapitre qui m’a marqué, c’est celui sur l’économie numérique. Il y dit notamment que, au lieu de rapprocher les gens, Internet nous isole… Ça peut paraître paradoxal mais c’est bien argumenté ici.
Il y a pleins d’autres réflexions intéressantes dans ce livre, je ne vais pas tout reprendre 😄Le livre est assez petit, 220 pages, et se lit très bien.
Ce que je dirais en conclusion est que Daniel Cohen n’apporte pas de réponse définitive, pas de solution. C’est tant mieux car ça lui évite de se planter comme la plupart des futurologues ! Par contre il nous fait réfléchir en rapprochant l’économie de sciences dures ou sociales.