« Les gardiens du Louvre » de Jirô Taniguchi
Par Farzad FARID
- 4 minutes de lecture - 807 motsVoici une bien étrange bande dessinée, qui m’a d’abord un peu déçu avant de m’émouvoir.
Je pensais avoir acheté cette BD au Louvre lors d’une de nos dernières visites (j’adore le Louvre ! Je ne me lasse jamais d’y retourner…), mais en fait je l’avais acheté l’été dernier à Tours, en vacances, dans une excellente librairie BD que l’on a découvert là-bas, Bédélire, que je recommande vivement, ne serait-ce que pour sa décoration intérieure.
Le scénario de l’histoire est la visite en France d’un homme qu’on sait être japonais, mangaka ou amateur de BD, qui décide de passer quelques jours à Paris après avoir visité le salon de la BD de Barcelone. Il compte profiter de ses quelques jours à Paris pour faire le tour des musées parisiens. Mais à cause d’un grosse fièvre il commence à délirer dans son lit.
Il décide finalement de restreindre sa visite au Louvre. C’est là que cette BD a commencé à me paraître un peu étrange, avec très peu d’action, pas de vraie trame mais beaucoup de très belles planches.
Les dessins sont très beaux, presque photographiques, l’intérieur du Louvre, la cohue, les paysages parisiens, sont vraiment superbement dessinés.
On y voit la foule, Taniguchi se moque même des touristes qui se prennent en photo, le doigt « posé » sur le sommet de la pyramide de verre.
Pour ce qui est de l’histoire, elle est étrange : notre visiteur japonais est repris de poussées de fièvres et recommence à délirer dans le Louvre. Mais cette fois il est transposé dans un Louvre onirique, issue de son esprit, où il se trouve tout seul, uniquement entouré de choses qui semblent être l’esprit des œuvres du musée, dont une lui parle régulièrement. Les dessins sont splendides certes, mais cette partie de la BD commençait à me faire penser qu’il ne s’agit que d’une œuvre de commande dont le but est de faire la promotion du Louvre, page après page.
Et chaque jour, après avoir émergé de son rêve éveillé, le visiteur revient au Louvre. Il se retrouve parfois transporté dans d’autres endroits, à d’autres époques :
- Au XIXème siècle à l’époque du peintre Corot, à Paris, il se voit visiter une exposition et parler à un peintre japonais de la fin du XIXème, admirateur de Corot ;
- Au même siècle à Tokyo, lors d’une exposition consacrée à la peinture occidentale, avec un écrivain japonais qui a popularisé Corot là-bas ;
- A Auvers sur Oise, dans les champs et dans le village, près de Vincent Van Gogh avec qui, une fois la surprise initiale passée, il parle. Et Van Gogh lui fait visiter sa petite chambre qui lui sert d’atelier ;
- Dans le jardin de Daubigny où il peut admirer une magnifique fresque de celui-ci…
Les dessins de paysages de Taniguchi sont vraiment très beaux, la sérénité qui accompagne les déambulations de l’auteur est apaisante… Mais il n’y a pas vraiment d’histoire, pas d’enjeux et mon avis sur cette BD était mitigé.
Mais tout a basculé quand le héros, lors de son avant-dernière visite au Louvre, se trouve transporté en 1939, peu avant l’invasion de Paris par les troupes allemandes.
Cette partie de la BD raconte comment en 1939 le directeur des musées nationaux, Jacques Jaujard, prit la décision audacieuse et risquée de déménager l’intégralité (ou presque) des œuvres du Louvre dans le sud-est de la France pour qu’elles ne soient pas pillées par l’envahisseur : peintures comme la Joconde (tableau le plus célèbre du musée), le Radeau de la Méduse (immense, 5x7m, impossible à rouler sous peine de l’abimer), et même des sculptures gigantesques comme la Victoire de Samothrace, composée d’une centaine de fragments !
Ayant d’ailleurs visité le Château de Cheverny l’été dernier, j’étais d’autant plus marqué par cet événement de la Seconde Guerre Mondiale resté quasi confidentiel. En effet, non seulement Cheverny a servi de modèle au fameux Château de Moulinsart de Tintin, mais il a aussi servi à abriter une partie des œuvres du Louvre en 1939 !
Et à partir de là, je n’étais plus dans la sérénité d’une visite solitaire du Louvre mais je me suis senti vraiment embarqué dans cette aventure hors du commun, avec de vrais héros anonymes ou oubliés comme Jaujard.
C’est cette partie de la BD que j’ai vraiment adorée. Elle m’a même vraiment ému, je le suis encore en écrivant cette critique.
Lors de sa dernière visite au Louvre notre visiteur fait une dernière rencontre émouvante, mais je n’en dis pas plus…
Je suis finalement assez content de cette lecture. C’est très certainement une œuvre de commande dont le but est de faire la promotion du Louvre, mais l’auteur a su la rendre vraiment intéressante dans les deux derniers chapitres. Si vous êtes amateur d’art, et surtout si vous connaissez un peu le Louvre, je vous recommande chaudement cette bande dessinée.